Update Obligations : Changement structurel dans les obligations de la zone euro

Les Bunds allemands sont la valeur refuge par excellence depuis des dizaines d’années. Ils étaient le point de repère par rapport auquel toutes les obligations de la zone euro étaient comparées. La différence de rendement par rapport aux Bunds (spreads) était une valeur de référence. Mais les temps ont changé et la trajectoire des Bunds allemands n’est plus la même non plus.
Les Bunds allemands à plus longue échéance ont particulièrement souffert. Le rendement à 30 ans oscille autour de niveaux équivalents à ceux constatés lorsque la Banque centrale européenne (BCE) a commencé à adopter des baisses de taux. Il ne s’agit pas d’une simple réaction aux fluctuations de taux dans le monde et à une hausse prévue de la dette mondiale (principalement aux États-Unis), cette tendance vient de l’Allemagne elle-même.
Les Bunds allemands étaient généralement rares pour des raisons de sobriété fiscale, ce qui tirait les rendements vers le bas et les prix vers le haut. Mais depuis l’adoption de l’amendement supprimant l’obligation d’équilibre du budget allemand, également connue sous le nom de « frein à l’endettement », tout a changé. L’Allemagne est sur le point d’émettre plus de dettes que jamais (plus de 500 milliards EUR en 2026) pour investir dans des domaines critiques comme la défense, les infrastructures et l’énergie. Ce changement de stratégie marque un tournant pour une nation qui a longtemps arboré fièrement sa sobriété fiscale. Si vous ajoutez en plus de cela l’effet du resserrement quantitatif (la fin du programme d’assouplissement quantitatif et la décision de ne plus racheter les obligations qui arrivent à échéance dans le bilan de la Banque centrale européenne), il revient à présent au marché de fixer le prix.
Mais ce n’est pas uniquement une question d’offre et de demande. Le paysage politique de l’Allemagne devient également moins prévisible. L’ascension du parti d’extrême droite AfD (qui serait d’après les sondages actuellement le parti le plus populaire du pays) ajoute un brin d’incertitude supplémentaire. L’incertitude qui pourrait en découler a déjà été intégrée dans les rendements des Bunds. L’Allemagne, le pilier de la stabilité de la zone euro, commence à vaciller légèrement.
Cette tendance se ressent également dans la zone euro d’une façon qui est souvent sous-estimée. Les spreads des obligations périphériques, comme celles de l’Italie ou de l’Espagne, se resserrent, pas réellement parce que ces pays deviennent soudainement moins risqués (en partie quand même), mais surtout parce que les Bunds deviennent eux-mêmes plus risqués. Le niveau de référence se déplace et cela change tout. Il est intéressant de noter que la France fait face à une situation similaire. Le spread des obligations d’État du pays de Molière est à présent plus élevé que celui de l’Espagne, et l’écart avec l’Italie fond comme neige au soleil. Tout le paradigme à propos des obligations « de base » et « périphériques » de la zone euro est sur le point d’être remis en question et l’UE envisage de plus en plus d’émettre de la dette ensemble.
Pour les investisseurs, il est temps de changer de mode de pensée. Les Bunds allemands pourraient perdre leur statut de valeur refuge indéfectible qu’ils ont été pendant de nombreuses années. Le marché obligataire de la zone euro entre dans une nouvelle ère et il est temps d’y prêter attention.