Lucas Brentjens vend Yuki : « Le feeling constitue un aspect important »

Comment réagir lorsqu’une grande société vous propose de racheter votre entreprise : faut-il saisir la balle au bond ou est-il préférable de rester aux commandes ? Il y a quelques années, Lucas Brentjens, entrepreneur, a été confronté à ce dilemme avec son entreprise Yuki. Mais son esprit d’entreprise est demeuré intact.
Qui est Lucas Brentjens ?
- Cofondateur d’Exact Software, dont il est devenu le CEO dans un second temps.
- Cofondateur et CEO de l’entreprise Yuki en 2007, qui a été ensuite reprise par Visma.
- Managing Partner de CNBB, un investisseur en Private Equity
Pourquoi avoir vendu Yuki ?
Lucas Brentjens : « Bien que nous ayons dû adapter notre stratégie au fil des ans, Yuki s’est développée rapidement jusqu’à devenir une entreprise prospère comptant pas moins de 120 collaborateurs. Notre croissance a été telle que nous avons commencé à concurrencer de grands acteurs du BENELUX comme Exact Software. En 2020, nous avons dû faire un choix : continuer seuls à lutter contre les leaders du marché en levant des fonds pour assurer notre croissance ou fusionner avec une autre entreprise ? Nous avons fini par opter pour cette dernière solution. Visma a frappé à notre porte pour nous demander si nous accepterions de leur vendre notre affaire. Une superbe opportunité que nous ne pouvions pas laisser passer. »

Cette décision a-t-elle été difficile ?
« Plutôt, oui. En réalité, nous avions déjà décidé de lever des fonds supplémentaires jusqu’à ce que Visma nous contacte. Nous avons dû y réfléchir sérieusement, car nous ne nous étions jamais véritablement dits ouverts à cette idée. Nous avons été pris quelque peu au dépourvu, mais la phase de développement de Yuki s’y prêtait parfaitement, et la vision de Visma était très proche de la nôtre. »
Comment s’est passée la reprise avec du recul ?
« Cela s’est fait assez vite, sans véritable obstacle. Entre l’entretien préliminaire et la conclusion de la transaction, il n’a fallu que quelques mois. Sur le plan affectif, j’ai eu beaucoup plus de mal. Il faut savoir que j’ai cofondé Yuki et que j’y ai consacré 15 ans de ma vie. Mais nous avions un bon feeling avec Visma, et cela m’a beaucoup rassuré. Je savais que c’était la bonne décision. »
Justement, est-ce important d’avoir un bon feeling avec le repreneur potentiel ?
« Absolument. L’argent joue naturellement un rôle important dans la vente d’une entreprise, mais il n’est pas nécessairement le facteur décisif. Le feeling constitue un aspect important, en particulier s’il s’agit de votre propre entreprise. »
Dans la pratique, une cession implique de très nombreuses démarches. Qu’avez-vous ressenti à cet égard ?
« Nous avions la chance d’avoir pas mal d’expérience en la matière, mais les démarches sont effectivement nombreuses. Je conseille vivement aux entrepreneurs de faire appel en temps utile à des professionnels. Ils adopteront un autre regard sur votre entreprise. Ils pourront préparer celle-ci, vous conseiller sur la façon de communiquer avec vos collaborateurs, passer en revue vos processus, etc. Dans notre cas, tout s’est bien passé. Après la cession, je suis resté plus d’un an dans l’entreprise en tant que CEO et même aujourd’hui je reste conseiller. Un scénario idéal. »
Que faites-vous à présent ?
« Après Yuki, j’ai commencé à investir dans d’autres entreprises avec mon fidèle ami et associé de toujours. Le Private Equity constitue notre fonds de commerce. Actuellement, nous nous concentrons sur l’achat de participations majoritaires dans des éditeurs de logiciel que nous développons ensuite. Nous demeurons des entrepreneurs, à la différence près que nous ne partons plus de zéro. Nous achetons des fondations pour y bâtir des entreprises prospères. Malgré le défi que cela représente, le fait de s’impliquer dans plusieurs entreprises pour les aider à se développer est une activité stimulante. »
Avez-vous connu des revers dans votre carrière ?
« Absolument, les revers font partie intégrante de l’entrepreneuriat. Que ce soit avec Exact ou Yuki, nous avons connu des moments difficiles qui nous ont contraints à adapter notre stratégie à prendre des décisions difficiles. Aujourd’hui encore, en tant qu’investisseurs, nous faisons parfois de mauvais choix. Il est important d’être réaliste et de ne pas s’accrocher à ce qui ne fonctionne pas. Je pense qu’il s’agit là du meilleur conseil que je puisse donner. »