Risque politique français : un sentiment de déjà-vu pour les investisseurs

Le risque politique en France retient une nouvelle fois l'attention des investisseurs. La décision du Premier ministre français François Bayrou de demander un vote de confiance à son gouvernement le 8 septembre a ravivé les inquiétudes quant à la stabilité des marchés français.
Cette décision s'inscrit dans le contexte d'un débat sur l'important déficit budgétaire de la France. Le Premier ministre Bayrou s'est fixé l'objectif ambitieux de réduire le budget du pays d'au moins 44 milliards d'euros afin de réduire la dette publique française, qui atteint 114 % du PIB. Cependant, les efforts de M. Bayrou se heurtent à une forte résistance politique. Pour les investisseurs, cette situation semble bien trop familière, faisant écho à l'incertitude politique qui mine depuis longtemps la France.
Impact sur les marchés
Depuis l'annonce du Premier ministre Bayrou, trois réactions notables se sont produites sur les marchés financiers :
- Les actions françaises sous-performent
Les actions françaises sous-performent les actions européennes, le CAC40 ayant baissé de 3 % contre une baisse de 2,1 % pour le DJ Euro-Stoxx50 entre le moment où la nouvelle a été annoncée lundi et la clôture vendredi 29 août. Les actions mondiales restent inchangées. - Hausse des taux d'intérêt français
Les taux d'intérêt français ont légèrement augmenté, en particulier le rendement français à 10 ans, qui a progressé de 9 points de base pour clôturer la semaine à 3,51 %. La prime de risque de la France par rapport à l'Allemagne, mesurée par l'écart entre les rendements français et allemands à 10 ans, s'est élargie à 79 points de base, contre 70 points de base avant l'annonce. - Prise de bénéfices dans le secteur financier
Enfin, sur le marché boursier français, le secteur financier a connu d'importantes prises de bénéfices. Si le secteur a été confronté à des difficultés dans toute l'Europe, c'est en France que l'impact a été le plus fort.
Une impression de déjà-vu
Les tensions politiques actuelles rappellent les événements de juin 2024 : lorsque le président Emmanuel Macron avait dissous le parlement français, l'Assemblée nationale, en réponse aux mauvais résultats de son parti aux élections européennes. Cela avait déclenché des mouvements sur les marchés similaires à ceux observés aujourd'hui, mais à plus grande échelle. L'indice CAC40 avait chuté de près de 7 % en quelques jours, sous-performant les marchés européens, qui avaient reculé de 4,5 %. Le rendement des obligations françaises à 10 ans avait augmenté d'environ 30 points de base pour atteindre 3,35 %, la prime de risque grimpant à 80 points de base en quelques semaines. Enfin, le secteur financier français avait particulièrement sous-performé.
Depuis lors, le contexte politique français est resté incertain, marqué par les difficultés du président à nommer un Premier ministre après les élections législatives de juillet 2024, par la chute du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024 et par les événements de ces derniers jours. Cette incertitude se reflète dans la sous-performance des actifs français.
Les actions françaises n'ont enregistré que des gains modestes au cours de l'année écoulée, avec une hausse de 3,5 % entre juin 2024 et août 2025. Au cours de la même période, les marchés de la zone euro (indice DJ Euro-Stoxx) et les marchés américains (indice S&P 500 en USD) ont progressé respectivement de 16,2 % et 22,8 %. En termes de taux d'intérêt, la prime de risque sur la dette française reste à des niveaux plus élevés qu'au début de l'année 2024 (voir graphique ci-dessous).
Scénarios politiques et de marché
La situation politique française reste très instable. Trois scénarios sont envisagés pour les jours à venir :
- Le Parlement accorde sa confiance au Premier ministre|
Si le Premier ministre Bayrou obtient la confiance du Parlement, les actions françaises devraient se redresser et la prime de risque pourrait rapidement revenir à son niveau de la mi-août. Cependant, ce scénario semble peu probable compte tenu des réactions des partis politiques, malgré la volonté de négociation du Premier ministre. - Le gouvernement tombe et un nouveau Premier ministre est nommé
Dans ce scénario, le président Emmanuel Macron nomme un nouveau Premier ministre pour former un gouvernement. Les actifs français pourraient se stabiliser à court terme, mais leur sous-performance « chronique » devrait persister. Pour l'instant, nous considérons ce scénario comme le plus probable. - Chute du gouvernement et dissolution de l'Assemblée
Si le gouvernement tombe et que le président Macron dissout l'Assemblée nationale pour organiser de nouvelles élections législatives, l'incertitude augmenterait considérablement. Les actions françaises et, dans une moindre mesure, les actions européennes seraient sous pression, avec des mouvements potentiellement similaires à ceux de juin 2024. La prime de risque de la dette française s'élargirait encore, dépassant les niveaux observés en 2024.
Politique d'investissement
Le retour du risque politique français s'inscrit dans un contexte plus large d'incertitude (géo)politique accrue, qui s'est amplifiée au cours de la dernière décennie. L'histoire financière récente nous enseigne que si l'incertitude génère une volatilité à court terme, elle ne perturbe généralement pas les tendances sous-jacentes du marché. Par exemple, malgré les nombreux chocs survenus depuis 2016 (Brexit, guerres commerciales de 2018 et 2025, conflits, etc.), les indices S&P500 et CAC40 ont progressé respectivement de 274 % et 123 % au 29 août 2025.
Pour l'instant, la résurgence du risque politique français n'a entraîné qu'une légère augmentation de la volatilité, principalement localisée sur les titres français. Cependant, si les actifs français sont les plus touchés par cette volatilité, le reste de l'Europe a tendance à suivre le mouvement, du moins en termes de direction. Notre politique d'investissement reste inchangée. Nous conservons une position neutre sur les actions et une légère surpondération sur les obligations, en privilégiant les obligations de haute qualité. Nous continuons de considérer qu'un atterrissage en douceur de l'économie mondiale, soutenu par les banques centrales, est le scénario le plus probable malgré les incertitudes économiques persistantes liées à la guerre commerciale.
Nous restons vigilants quant à l'évolution de la situation et nous nous engageons à vous accompagner pendant cette période d'incertitude.