TableTalks : 9 questions à Thomas de Groote, fondateur de River Cleanup

Thomas de Groote est le fondateur de River Cleanup, une organisation qui nettoie le plastique dans et le long des rivières. Nous lui avons posé 9 questions sur sa vision de la durabilité.
En résumé
- Nous avons posé 9 questions à Thomas De Groote sur sa vision de la durabilité.

Thomas de Groote est le fondateur de River Cleanup, une organisation qui se consacre au nettoyage du plastique dans et le long des rivières. Pour cela, il s'appuie sur la participation de volontaires et l'utilisation de technologies. L'organisation espère ainsi susciter une prise de conscience et un changement de comportement chez les décideurs politiques, les entreprises et les particuliers.
River Cleanup travaille avec une équipe de trois permanents et quelque 100 000 bénévoles. En outre, ils peuvent compter sur un comité consultatif qui les aide à déterminer leurs missions et stratégies. Ce conseil est composé de huit professionnels expérimentés (bénévoles également) qui partagent leurs connaissances et sont actifs dans divers secteurs tels que l'industrie, la banque, l'énergie, l'entrepreneuriat durable, le marketing, etc. Grâce à leur vaste expérience, ils contribuent à élever l'organisation à un niveau supérieur et à avoir un impact toujours plus important.
S'il y a bien une organisation dans laquelle la durabilité fait partie intégrante de son ADN, c'est bien chez River Cleanup. Nous avons posé 9 questions à Thomas de Groote sur sa vision de la durabilité.
Pourquoi la durabilité est-elle importante pour vous ?
Nous sommes la première génération à avoir du plastique dans notre corps et généralement, nous n'en sommes même pas conscients. Nous sommes également la première génération à ressentir réellement l'impact de la pollution et du changement climatique… et nous sommes la dernière génération à pouvoir encore faire quelque chose.
La durabilité n'est donc pas un choix. Nous devons faire quelque chose. Nous n'avons qu'une seule planète et elle ne nous appartient pas. Nous l'avons empruntée à nos enfants et nous devrons la leur rendre.
Je ne suis pas défaitiste, mais il est grand temps d’agir. Heureusement, des changements commencent à survenir ici et là. Je constate déjà un changement sur le marché financier où l'on accorde de plus en plus d'attention à la durabilité et où celle-ci devient un critère important pour de plus en plus de consommateurs.
Quel est aujourd'hui votre plus grand défi sur la voie de la durabilité ?
Beaucoup de gens ne ressentent pas ou ne voient pas le problème. L'Afrique est devenue la poubelle du monde, la plupart des émissions de CO₂ sont émises en Chine, les rivières les plus polluées au monde traversent l'Asie ... Bref : tout cela est loin de leur quotidien.
Mais en attendant, 8 milliards de kilos de plastique se retrouvent dans les océans chaque année. Cela représente 1 kg par personne. C'est l'équivalent d'un container de la taille d'une personne rempli de plastique...chaque année.
Malgré cela, beaucoup de personnes ne ressentent pas de responsabilité. Elles sont trop occupées pour faire face à de tels problèmes. Il est difficile de les motiver à agir, car nos actions ne sont pas directement visibles au quotidien. La prochaine génération le remarquera à peine.
Pour relever ce défi, River Cleanup se concentre sur deux axes : impliquer les personnes en les sensibilisant à la problématique et le déploiement de technologies.
Nous travaillons beaucoup avec les organisations locales et, au cours des trois dernières années, nous avons déjà déployé 100 000 volontaires dans 45 pays. De plus, nous nous rendons régulièrement dans les écoles. Nous commençons par expliquer aux enfants, de façon ludique, l'impact des déchets plastiques sur la nature. Après cela, nous nettoyons tous les déchets autour de l'école. La réaction des enfants est toujours fantastique.
À côté de cela, nous travaillons avec de nombreuses entreprises et chercheurs pour trouver de nouvelles façons d’employer la technologie afin de résoudre ce problème, car on ne peut pas se débarrasser de 8 milliards de kg de déchets plastiques manuellement.
Cette combinaison de sensibilisation et d'élimination efficace des déchets par la technologie est un moyen puissant de trouver une solution durable à ce défi.

Qu’est-ce qui a incité River Cleanup à investir dans la durabilité ?
Comme beaucoup de gens, j'étais bien trop occupé pour me préoccuper de l'environnement. J'avais un travail très prenant, des enfants, j'étais socialement actif. Et puis en 2017, on m'a mis au défi de faire quelque chose de très simple, mais hors de ma zone de confort : je devais ramasser des déchets pendant 10 minutes et partager un post à ce sujet sur Facebook.
Cet acte simple m'a ouvert les yeux. J'ai commencé à voir comment nous traitions notre planète et à envisager les déchets d’une autre manière. Mon comportement a changé peu à peu. J'ai commencé à acheter plus consciemment, à compenser, à informer, à réduire... Je voulais faire quelque chose pour résoudre ce problème à grande échelle, également en lien avec mon expérience en matière de lean management et de processus d’amélioration continue.
C'est alors que j'ai commencé à organiser des nettoyages le long des rivières. Ces premiers nettoyages ont eu un succès très variable. Parfois 10 personnes participaient, parfois 100. J'ai réalisé que je ne pouvais pas faire de vraie différence de cette façon, c'est pourquoi j'ai lancé le projet River Cleanup.
Quel entrepreneur vous inspire ?
Tout entrepreneur déterminé et parfois un rien provocant, m'inspire. Un entrepreneur qui ose déjà faire certains choix durables et se demande si les choses ne peuvent pas être faites différemment.
En fait, nous devrions tous nous poser cette question, tous les jours. Par exemple, demandez-vous comment vous pouvez éviter de créer certains déchets. Cela peut souvent se faire en modifiant de petites choses de la vie quotidienne.
De quelle performance durable êtes-vous le plus fier ?
L'homme qui m'a mis au défi, l'entrepreneur flamand Jean-Paul Meus, ramasse les déchets 10 minutes par jour, chaque jour, depuis déjà 1578 jours. Il exprime ce sentiment incroyable ainsi : "If it ain’t fun, it ain’t sustainable". (ndlt: “Si ce n’est pas amusant, ce n’est pas durable”)
Commencer est l'étape la plus difficile. Une fois passée cette étape, cela va de soi. Dix minutes de nettoyage dans la rue avec trois enfants. C'est simple, non ?
Je suis également fier de notre premier Trash Boom, 3 ans plus tard, installé sur le Citarum en Indonésie, l'une des rivières les plus polluées au monde. Nous avions alors rassemblé près de 100 000 volontaires. Un Trash Boom est une barrière flottante que nous déposons dans un affluent. Cette barrière arrête tout le plastique flottant et un volontaire peut ainsi nettoyer la rivière. D'autres actions similaires ont suivi par la suite, mais la première fois a toujours quelque chose de spécial.
Quels sont, selon vous, les avantages de l’entrepreneuriat durable ?
Aujourd'hui, il s’agit d’un avantage concurrentiel, demain ce sera un indispensable ! Il est donc préférable de faire le choix de l'entrepreneuriat durable dès maintenant afin d'être bien préparé. Plus on commence tôt, plus les avantages sont importants.
Les mentalités changent. Les consommateurs optent de plus en plus consciemment pour des produits durables. Bientôt, il sera donc économiquement irresponsable de ne pas entreprendre durablement.
Outre les motivations économiques, il y a aussi cette incroyable satisfaction personnelle que l'on ressent quand on se remémore sa journée de travail en tant qu'entrepreneur durable. Vous le sentez que lorsque vous mettez vos enfants au lit le soir, lorsque vous vous regardez dans le miroir... Ce sentiment n'a pas de prix.
La question devrait donc être prise à l’envers : pourquoi une entreprise n’investirait-elle pas dans la durabilité ?
Quelle importance accordez-vous à la coopération entre partenaires, fournisseurs, investisseurs et clients sur la voie de la durabilité ?
Il est essentiel que nous travaillions ensemble. Ce n'est qu'alors que nous pourrons changer les choses.
Chez River Cleanup, nous travaillons avec tous ceux qui veulent faire un pas dans la bonne direction, que ce soit un grand ou un petit pas, qu'il s'agisse d'une petite organisation locale ou d'une grande multinationale. Ce n'est qu'en grandissant en tant qu'organisation que nous pourrons avoir un impact à grande échelle. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux bénévoles, partenaires et financements.
Quel conseil donneriez-vous aux entreprises/entrepreneurs qui veulent s’engager sur la voie de la durabilité ?
Commencez doucement, mais commencez aujourd'hui. Et réfléchissez bien à la nécessité réelle de cet emballage/produit/service avant de le rendre plus durable. Osez être critique.
Impliquez vos collaborateurs (fournisseurs et clients) dans le processus et identifiez ensemble les actions que vous souhaitez entreprendre à court et à long terme. Les SDG (Sustainable Development Goals) de l'ONU sont un bon tremplin pour cela..
Quel livre recommanderiez-vous aux personnes qui souhaitent en savoir plus sur la durabilité/l’entrepreneuriat durable ?
Je préfère mettre les gens au défi de faire quelque chose. Participez au défi des dix minutes de ramassage des déchets. Faites l'expérience de la puissance de cet acte simple. Ou bien rejoignez River Cleanup en septembre lors du World Cleanup Day !